Remise de la médaille de Chevalier de la Légion d’Honneur: Discours de l'Ambassadeur Fabrice Mauries

Remise Légion dHonneur MDPL 3mPort au Prince, le lundi 13 mars 2023

Remise de la médaille de Chevalier de la Légion d’Honneur

À Mme Michèle DUVIVIER PIERRE-LOUIS

Mme la Présidente, chère Michèle,

En réfléchissant à ce discours, mes collaborateurs et moi-même nous sommes longtemps demandés comment nous pourrions le débuter dans le contexte dramatique que connait le pays.  

Par le rappel  un peu convenu des liens qui vous unissent depuis longtemps à cette ambassade ou à la France ?  Par un bref panorama du contexte – inquiétant, dramatique – dans lequel se tient cette cérémonie ? Par un hommage, à travers vous, à cette assistance de grande qualité  où je retrouve beaucoup d’amis - et qui constitue très certainement ce qu’Haïti a de meilleur, pour paraphraser Flaubert ?

Et puis, nous avons trouvé la réponse dans un colloque organisé en  2019 au Collège de France à Paris, consacré à la littérature et à la civilisation  haïtienne, où vous vous proposiez  d’« Habiter le rêve » ; vous y disiez : « Cette manière d’être, d’habiter le rêve d’une communauté d’homme et de respect se manifeste encore aujourd’hui dans des pratiques de convivialité que les duretés de la vie n’ont pas émoussées » avant d’ajouter : « Nous sommes sur le pont que nous construisons ».

Une communauté de convivialité, donc. Un pont, enfin. Que l’on peut emprunter dans les deux directions puisque dans ce pays, vous le notiez, « presque tout semble réversible ».

C’est par cette note doublement optimiste, chère Michèle, que je veux donc commencer. D’abord en mettant en relief l’espoir que constitue votre parcours, si riche, au cours duquel vous avez travaillé à rendre réel ce « rêve d’une communauté  » et à construire le « pont » qui permette au pays d’avancer vers l’émancipation qui est, dès l’origine, la promesse du destin haïtien.  Mais aussi et surtout parce que votre propos souligne aussi qu’il n’y a aucune fatalité au malheur qui frappe aujourd’hui trop d’Haïtiens et surtout d‘Haïtiennes car nous le savons, dans toutes les situations de chaos, ce sont d’abord les femmes et les petites filles qui sont les plus vulnérables et qui paient,  en priorité, le prix de la violence et de la barbarie.

Les grandes étapes de votre riche parcours personnel et professionnel illustrent cette double dimension : celle d’une actrice politique du changement qui a assumé ses responsabilités à la tête de l’Etat mais aussi celle d’une militante lucide et généreuse de la société civile qui n’a cessé d’agir et de nous alerter pour que dans les domaines politique, humanitaire et culturel, Haïti reste une terre de progrès et non de régression, de réaction.

Permettez-moi d’en rappeler, comme le veut la tradition, les grandes lignes.

Née à Jérémie, vous avez fait vos études secondaires en Haïti, avant d’effectuer un cursus universitaire aux Etats-Unis, dans le domaine des sciences économiques. Vous avez débuté votre carrière professionnelle en Haïti dans le secteur bancaire, puis auprès du directeur général de l’autorité aéroportuaire de Port-au-Prince, où vous avez d’ailleurs eu l’occasion de connaitre  René Préval.

Plus tard, vous vous êtes lancée, notamment avec René Préval, dans l’entrepreneuriat avec succès, et ce nonobstant les vicissitudes politiques qu’a connues le pays notamment en 1991, lors du coup d’état  contre le président Aristide. Parallèlement à ces  activités de cheffe d’entreprise, vous vous êtes engagée dans la « Misyon Alfa », projet de l’église catholique consistant à mener des programmes d’alphabétisation, notamment dans les zones rurales les plus reculées. Après avoir, dans les années 1990, décliné plusieurs propositions pour devenir ministre, vous avez été nommée Premier ministre en 2008 par le président Préval. Vous avez été la deuxième femme à avoir été Premier ministre d’Haïti.

Parallèlement à cette carrière politique, vous avez créé dans les années 90, en Haïti, la Fondation Connaissance et Liberté (FOKAL), institution que vous présidez après l’avoir dirigée et qui travaille pour la promotion des droits dans le domaine de l’éducation, de la culture et du développement. En peu d’années, la FOKAL est devenue un des hauts lieux de la culture et du développement  en Haïti.

Votre activité universitaire est restée intense : vous avez enseigné à Harvard et avez dispensé, depuis le milieu des années 2000 et jusqu’à ce jour, des cours à l’Université Quisqueya, dans les domaines des sciences de l’éducation puis des sciences juridiques et politiques. Vous avez publié plusieurs ouvrages, en particulier « La quête de l'ailleurs », « Le refus de l'oubli » et « Quelques réflexions sur l'éducation populaire : la république haïtienne, état des lieux et perspectives ». Nous ne comptons plus vos contributions à de multiples revues telles que Chemins Critiques, dont vous êtes membre du collectif de rédaction, « Boutures », ou « Conjonction ».

Ces multiples activités vous ont permis d’obtenir plusieurs reconnaissances internationales. Dès 1993, la fondation japonaise Yoko Tada vous a décerné un prix d’excellence pour votre contribution à la lutte pour les droits humains en Haïti. Vous avez obtenu deux doctorats « Honoris causa in Humanities », du Saint Michael’s College, en 2004, et de l’université de San Francisco en 2014. En 2008, la bibliothèque du congrès des Etats-Unis a honoré le travail de la FOKAL lors d’une cérémonie à Washington. A la demande de l’actuel Secrétaire général des Nations unies, António Guterres, vous êtes également devenue membre du Haut Conseil sur les médiations aux côtés d’autres  personnalités.

La France, bien évidemment, a pris toute sa part pour vous aider à concrétiser vos projets. Vous êtes en effet un de nos partenaires privilégiés que ce soit du Service Culturel et de Coopération ou de l’Agence Française de Développement  qui font appel à l’expertise de la FOKAL dans de nombreux projets, qu’il s’agisse de défense du droit des femmes, de conservation du patrimoine ou de formation des enseignants. Nous sommes aussi des partenaires, et  depuis longtemps, dans l’organisation de multiples événements culturels du pays,

Mais plus fondamentalement, dans le contexte extrêmement inquiétant que connait le pays et alors que certains évoquent le risque d’une ‘’guerre civile’’, c’est un autre message que je voulais faire passer, à travers cette cérémonie, un message dont je ne doute pas que vous le partagez et que, s’il vous est agréable, vous relaierez. Haïti a besoin plus que jamais de personnalités comme la vôtre, qui remette au cœur du projet national, l’intérêt général, la reconstruction des institutions et de l’Etat et le souci du compromis et du dialogue.

C’est aussi pour cela, c’est surtout pour cela que je m’apprête dans quelques instants à vous remettre les insignes de Chevalier de la Légion d’Honneur.

Je vous remercie.

Au nom du Président de la République, nous vous remettons les insignes de Chevalier de la Légion d’Honneur.

Adresse et contact

FOKAL - OPEN SOCIETY FOUNDATION HAITI
143, Avenue Christophe BP 2720 HT 6112
Port-au-Prince,Haïti | Tel : (509) 2813-1694

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