Concours de plaidoirie sur les Droits humains : nos débatteurs à l’honneur

Le coordonateur du Programme Initiative Jeunes (PIJ), Jean-Gérard Anis, a assisté à la finale du concours de plaidoirie sur les Droits humains en Haïti. Un jeune issu de ce programme a participé à cette finale qui mettait aux prises 6 étudiants finissants en Droit. Il nous en fait un compte-rendu.

Trois anciens débatteurs des clubs de débat de Jacmel et de Côte-Plage du Programme Initiative Jeunes de FOKAL se sont illustrés au 1er concours national de plaidoirie sur les Droits humains ouvert uniquement aux étudiant(e)s finissant(e)s en droit, organisé par le Bureau des Droits Humains en Haiti (BDHH), en partenariat avec Avocats Sans Frontières Canada (ASFC).

La finale a eu lieu à la salle d’audience du nouveau palais de Justice de la Cour de Cassation flambant neuf, au Champ-de-Mars, vendredi 15 janvier, de 9h am à 3h pm. Sous la houlette de Jacques Lethan, président du BDHH et de Pauline Lecarpentier, secrétaire général de l’organisation, 4 avocats militants des Droits humains du barreau de Port-au-Prince, et une avocate du barreau du Québec (Canada) ont officié comme juges pour arbitrer les débats. 

L’un de nos anciens débatteurs s’est particulièrement illustré à ce concours. Il s’agit d’Osse-Manuel Recul, étudiant en 4e année à l’école de Droit de Jacmel, ancien débatteur et actuel juge au club de débat de cette ville qui faisait partie des 6 finalistes. Il a été opposé à Katia Bénoly qui défendait la position pour l’encadrement de la liberté de la presse en Haiti. 

Pourquoi encadrer la liberté de la presse ?

Katia a défini la presse comme un outil pour informer les citoyens, un acteur et un chantre de la démocratie et a posé le postulat selon lequel « il n’y a pas de liberté sans liberté de la presse ». Elle a articulé sa plaidoirie autour de 3 points essentiels : 

- les fondements de la liberté de la presse, qui prennent naissance dans les textes de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme et la Convention internationale relative à la sauvegarde des droits et des libertés dont Haiti est signataire, qui sont de 3 ordres : la liberté d’expression, la liberté d’opinion, la liberté d’informer; 

- l’importance de cette liberté, qui grâce à son pouvoir d’informer, son pouvoir intellectuel, son pouvoir économique et son pouvoir politique hisse la presse au rang de 4e pouvoir qui contrebalance les 3 autres que sont le pouvoir exécutif, le pouvoir législatif et le pouvoir judiciaire; 

- et la nécessité de l’encadrer, car l’exercice de cette liberté, selon elle, comporte des droits mais aussi des responsabilités.

Selon Katia, il faut encadrer la liberté de la presse pour empêcher la divulgation d’informations confidentielles, pour protéger la stabilité du pays, pour responsabiliser les journalistes, pour respecter le secret des hommes et la dignité de l’autre. Elle a jugé que l’écolière mineure surprise en flagrant délit d’activité sexuelle avec un adulte à la rue Hudicourt sur Bourdon a été maltraité par la presse qui n’a pas protégé son intimité ni sa vie privée. Les journalistes l’ont injustement jetée en pâture au public haïtien.

Soupçon de bâillonnement de la presse

Ossé-Manuel Recul s’oppose à cette idée d’encadrement de la liberté de la presse, car il existe déjà un cadre normatif et des dispositions juridiques pour garantir et protéger l’exercice de cette activité. Pourquoi encadrer la presse si elle est indépendante ? Pourquoi rajouter d’autres règles en sus de celles qui existent déjà ?

Selon, Ossé-Manuel, le journaliste exerce librement son métier dans le cadre de la loi. La République l’encadre déjà. Parler aujourd’hui d’encadrer la presse, c’est vouloir la museler. Ou bien elle ne sera ni indépendante ni impartiale.

Si elle reçoit un encadrement économique de l’Etat ou de toute autre entité privée, la presse se sentira dans l’impossibilité d’être impartiale, car la main qui donne commande. Ainsi, on voudrait inciter la presse à violer les droits fondamentaux. Or toutes les mauvaises pratiques dans la société doivent être dévoilées par la presse.

Katia a rétorqué qu’elle ne veut pas qu’on musèle la presse mais elle souhaite plutôt  qu’on y mette des balises pour protéger le/la journaliste contre les tentations de diffamations sur des personnalités publiques, de manipulations de l’information, pour épargner des vies.

En clair, l’encadrement de la liberté de la presse voudrait dire pour elle de protéger le/la journaliste contre lui/elle-même.

Les leçons du débat

Le jury, après délibération, a accordé la victoire à Katia Bénoly qui a accédé au tour suivant. Le débat s’est déroulé dans un esprit de fairplay entre les débatteurs. Les jeunes ont fait abondance de d’articles de la Constitution et des lois haïtiennes pour étayer leurs arguments. Cela a été un débat très technique, très porté sur les notions de respect de droits humains. Mais ce format de débat avec 2 interventions pour chaque orateur, un plaidoyer de 10 minutes et un discours de réplique de 5 minutes à l’argumentation de l’adversaire, sans pause aucune. 

Cependant, 3 éléments dans ce format ont laissé l’auditoire et certainement les débatteurs, frustré :

En premier lieu, la délibération du jury. Selon toute vraisemblance, les 5 juges ont pris leur décision ensemble et non individuellement. Autrement dit le vote en faveur de l’un ou l’autre débatteur est unanime ou ne l’est pas. On aurait préféré que la décision soit individuelle pour éviter qu’un juge soit influencé par les autres. La décision du jury serait plus ouverte.

En deuxième lieu, le fondement des décisions. Il aurait mieux valu que les juges expliquent brièvement leur décision, non pas en se retranchant derrière le règlement, mais en expliquant ce qui fonde leur décision dans l’argumentation du débatteur pour qui ils ont voté. Dire qu’on a voté contre tel débatteur parce qu’il n’a pas respecté le règlement, s’apparente à une décision sur vice de forme mais non réellement fondée sur le critère de l’argumentation. Ainsi le gagnant gagne par défaut. Ceci appauvrit l’importance de l’exercice.

Les sujets du débat. Ils mériteraient d’être plus précis, c’est-à dire énoncés comme une question ou affirmation controversée qui appelle une position à défendre. Le sujet « L’encadrement de la liberté de la presse » souffre de cette imprécision. Le sujet porte t-il sur la création de nouvelles lois d’encadrement de la liberté de la presse ?  Ou bien sur la nécessité de l’encadrer maintenant ? 

Sur le sujet 2, « la réforme foncière en Haiti », le flou était encore plus manifeste, et vraisemblablement cela a un peu nui à l’approche argumentative du débatteur contre. Les 2 débatteurs sont tombés d’accord sur la nécessité de la réforme foncière, mais ils s’opposaient sur le calendrier de mise en œuvre, alors que rien dans le sujet n’orientait vers cette approche.

Toutefois, ce concours a tenu ses promesses en termes d’engagement des candidats, de la qualité des plaidoiries, de la satisfaction de l’auditoire et des partenaires qui ont tous manifesté le souhait que les organisateurs rééditent l’initiative.

Jean-Gérard Anis

Coordonnateur du PIJ

Adresse et contact

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143, Avenue Christophe BP 2720 HT 6112
Port-au-Prince,Haïti | Tel : (509) 2813-1694

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